L’explosion des usages de drogues (UD) et de troubles de l’usage d’opioïdes (TUO) dans certains pays a fait croitre les besoins en traitements de substitutions opioïdes, et les cliniciens hospitaliers sont confrontés au défi complexe de la prise en charge des TUO en conjonction avec des douleurs aiguës dues à des blessures, à des interventions et à des conditions médicales.
Pour les patients qui continuent ou commencent à prendre de la méthadone dans le cadre d’un traitement de l’UD, la stratégie consistant à diviser la méthadone en deux ou plusieurs doses est souvent envisagée pour optimiser l’analgésie. Cette stratégie est même explicitement encouragée par les lignes directrices de diverses organisations à travers le monde (voir tableau 1 dans l’article complet). Cependant, il n’existe pas de données empiriques chez les patients sous méthadone pour justifier le fractionnement de la dose pour l’analgésie, et notre expérience empirique dans un hôpital américain a jeté le doute sur les prétendus avantages de ce fractionnement.
Cette recommandation provient d’un corpus de littérature du champ de la douleur, selon laquelle l’effet analgésique correspondrait à la phase alpha, relativement courte, de la méthadone, c’est-à-dire à sa distribution hors de la circulation vers le système nerveux central. Cette phase diffère de la phase bêta – son métabolisme/élimination relativement lent – qui est importante pour soulager les symptômes de sevrage, mais pas nécessairement la douleur. Par conséquent, un schéma d’administration plus fréquent peut augmenter la proportion de phase alpha pour l’analgésie.
Une revue très citée d’Alford et al. résume les choses : la méthadone et la buprénorphine ont une durée d’action d’analgésie qui est considérablement plus courte (4 à 8 heures) que leur suppression du sevrage des opioïdes (24 à 48 heures). En résumé, l’analgésie opioïde repose sur l’obtention d’une concentration sérique ou plasmatique minimale (« niveau sanguin »), qui varie selon les individus et les types d’expériences douloureuses. Des études ont démontré que dans des situations de douleur aiguë, les patients traités à la méthadone peuvent avoir besoin de trois fois leur besoin initial en opioïdes. De ce point de vue, selon les auteurs de l’article, on ne s’attendrait pas à un bénéfice analgésique notable en divisant une dose de méthadone sans l’augmenter considérablement, ce qui introduit une complexité pharmacocinétique et logistique dans la période de transition post-hospitalière.
Après examen de la littérature, les auteurs n’ont pas trouvé de cas publié dans lequel un patient souffrant d’un TUO avait vu sa méthadone fractionnée et avait bénéficié d’une amélioration de l’analgésie, bien qu’une affiche présentée à la conférence de 2023 de l’American Society of Addiction Medicine ait montré ce qui pourrait être les premières données empiriques sur le sujet. Par opposition, les auteurs présentent deux patients issus de leurs consultations pour TUO en milieu hospitalier qui ont temporairement eu un dosage fractionné de la méthadone à l’hôpital, mais qui ont déclaré une amélioration seulement après la consolidation des doses avec une seule prise quotidienne.
En conclusion, le fractionnement des doses de méthadone à visée antalgique conserverait sa pertinence chez les patients naïfs d’opioïdes, mais ce procédé serait plus discutable chez les patients déjà traités au long cours par méthadone.
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