Addiction aux jeux vidéo et impact psychosocial: des liens complexes, explorés dans une étude de European Child & Adolescent Psychiatry

Qu’est-ce que fait le cœur du processus addictif ? La dépendance pharmacologique ? Le craving ? Ou bien les répercussions dans la vie de tous les jours ?  C’est un débat extrêmement vif dans la communauté scientifique internationaleDans cet article les auteurs tentent de clarifier la notion d’addiction à internet et aux jeux vidéo, IGD (Internet Gaming Disorders).

Autres addictions comportementales

La définition actuelle inscrite dans le DSM 5, créée pour pouvoir faciliter l’étude standardisée de ce trouble, ne fait pas consensus. En effet elle est directement inspirée des troubles de l’usage de substances, et met l’accent sur les symptômes de sevrage et le temps passé à jouer. Elle est critiquée comme manquant de spécificité et risquant d’entretenir voir d’attiser la méfiance sociale déjà présente à l’égard des jeux vidéo. Elle n’a d’ailleurs finalement pas été validée par la communauté médicale.

L’objectif de l’étude réalisée par les auteurs était ainsi de mesurer la validité des critères d’IGD du DSM 5.

Ils proposent de différencier deux types de critères :

1 – Les critères liés à la symptomatologie addictive (difficulté de contrôle, attention orientée vers la substance, craving, modification de l’humeur, tolérance, manque)

2 – Les critères liés aux conséquences sociales et professionnelles du jeu (problèmes relationnels, problèmes à l’école ou au travail)

Le diagnostic actuel d’IGD avec le DSM V ne nécessite que cinq critères que ce soit de type 1 ou 2, or aujourd’hui la plupart des études ne prennent pas en compte systématiquement les critères de type 2. Les auteurs testent ici la création d’un modèle bi-axial de l’addiction mesurant systématiquement les critères 1 et 2 afin d’augmenter la spécificité, et de vérifier si ces deux types de critères sont toujours présents de manière simultanée.

La conclusion de cet article pointe que l’utilisation de ce modèle bi-axial a permis la mise en évidence d’une formulation actuelle de l’IGD du DSM valide pour des groupes de patients présentant une forte (IGD et A risque) ou une très faible symptomatologie (Groupe Normatif), mais pouvant conduire à une classification et un traitement inapproprié pour des patients plus médians (Engagés), et qu’elle échouait à identifier des problèmes potentiels chez d’autres (Préoccupés).

Cette étude plaide donc en faveur de l’inclusion systématique du critère « conséquences socio-professionnelles » dans les futures évaluations des addictions comportementales car les critères uniquement liés à la symptomatologie addictive ne semblent pas suffisant. Les auteurs recommandent également de prendre en compte le ressenti des joueurs sur le retentissement du jeu, concernant leur bien-être et le sentiment de perte de contrôle, y compris chez ceux présentant peu de critères d’addiction. Ce positionnement va dans le sens de de ce que le consortium d’experts de la CIM-11 a proposé plus récemment : l’addiction aux jeux vidéo se caractérise avant tout par un impact socio-environnemental (scolaire, familial, professionnel).

Orianne Bouillard, Interne en psychiatrie à Lyon

Gaetan Devos, Psychologue, PhD, Service Universitaire d’Addictologie de Lyon

Benjamin Rolland, Psychiatre Addictologue, Service Universitaire d’Addictologie de Lyon

Consulter en ligne