Un nombre croissant de travaux ont démontré des liens entre l’alimentation dite émotionnelle (i.e., fait de moduler la prise alimentaire en réponse à un ressenti émotionnel plutôt qu’à celui de la faim ou de la satiété), des difficultés à réguler son alimentation et le poids.
Dans le domaine de l’obésité et du surpoids, l’alimentation émotionnelle et l’addiction à l’alimentation (i.e., possibilité de développer une addiction vis-à-vis des d’aliments riches en sucre, en graisse et/ou en sel) sont des facteurs de risque potentiels de prise de poids, mais leurs mécanismes explicatifs exacts restent à élucider.
Dans cette étude de grande envergure, menée auprès d’une population importante d’étudiants français (n=1051), l’objectif d’étudier les liens entre le niveau de stress perçu, l’alimentation émotionnelle (Intuitive Eating Scale-2), l’addiction à l’alimentation (Yale Food Addiction Scale) et l’Indice de Masse Corporelle (qui se définit comme le poids (en kg) divisé par la taille au carré (en mètres)). Plus précisément, les auteurs faisaient l’hypothèse que la détresse émotionnelle pouvait être responsable d’une alimentation émotionnelle ou d’un comportement addictif vis-à-vis de l’alimentation, et que ces derniers pourraient être en retour responsables d’une prise de poids. Autrement dit, les auteurs faisaient l’hypothèse que la relation entre détresse émotionnelle et prise de poids pourrait être expliquée par deux variables dites « médiatrices » : l’alimentation émotionnelle et l’addiction à l’alimentation.
En se basant sur des auto-questionnaires validés pour mesurer les dimensions étudiées (Intuitive Eating Scale-2 pour l’alimentation émotionnelle, modified Yale Food Addiction Scale pour l’addiction à l’alimentation, Perceived Stress Scale pour le stress perçu et Hospital Anxiety and Depression scale pour les symptômes anxieux et dépressifs), ces chercheurs ont testé leurs hypothèses en utilisant des modèles statistiques permettant de tester des relations de causalité entre leurs variables (modèles multivariés de type équations structurales).
Les résultats mettent en évidence une association significative entre stress perçu, anxiété/dépression, alimentation émotionnelle et addiction à l’alimentation. Ils démontrent également que les personnes présentant des niveaux d’alimentation émotionnelle et d’addiction à l’alimentation plus élevés avaient des risques plus importants d’avoir des problèmes de surpoids ou d’obésité, tant chez les hommes que chez les femmes. Enfin, les modèles en équations structurales ont permis de confirmer leurs hypothèses initiales, à savoir que l’augmentation du niveau de stress perçu pouvait conduire à un niveau plus élevé d’alimentation émotionnelle et d’addiction à l’alimentation et que ces derniers pouvaient être responsables d’une prise de poids.
Au final, ce travail suggère de prendre en compte l’alimentation émotionnelle et les comportements alimentaires de type addictifs pour mieux prévenir et prendre en charge les problèmes de poids et d’obésité, et pour promouvoir une approche du comportement alimentaire qui puisse être bénéfique pour la santé. En effet, le recours à une alimentation de réconfort visant à diminuer le stress perçu pourrait constituer un facteur de risque d’obésité et de surpoids.
Par Paul Brunault
ADDICTIONS COMPORTEMENTALES / L’alimentation émotionnelle et l’addiction à l’alimentation : le chaînon manquant entre détresse psychologique et prise de poids
Un nombre croissant de travaux ont démontré des liens entre l’alimentation dite émotionnelle (i.e., fait de moduler la prise alimentaire en réponse à un ressenti émotionnel plutôt qu’à celui de la faim ou de la satiété), des difficultés à réguler son alimentation et le poids. Dans le domaine de l’obésité et du surpoids, l’alimentation émotionnelle et l’addiction à l’alimentation (i.e., possibilité de développer une addiction vis-à-vis des d’aliments riches en sucre, en graisse et/ou en sel)
Autres addictions comportementales