Si les antécédents de traumatismes dans l’enfance sont des facteurs de risque bien connus de troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles de stress post-traumatique, troubles liés à l’usage de substance et de troubles de la personnalité, leurs liens avec les troubles des conduites alimentaires (=TCA) sont bien moins documentés. Les trois TCA actuellement reconnus dans les classifications internationales sont l’anorexie mentale (i.e., restriction alimentaire liée à une peur intense de prendre du poids et une préoccupation excessive pour l’apparence corporelle), la boulimie nerveuse (i.e., survenue régulière de crises de boulimie, c’est-à-dire des prises alimentaires importantes avec un sentiment de perte de contrôle pendant la crise, avec des comportements compensateurs pour le poids tels que vomissements, laxatifs, … qui expliquent l’absence de prise de poids) et l’hyperphagie boulimique (i.e., survenue régulière de crises de boulimie, c’est-à-dire des prises alimentaires importantes avec un sentiment de perte de contrôle pendant la crise, mais sans comportements compensateurs pour le poids tels que vomissements, laxatifs, … ce qui explique la prise de poids fréquente). Peu de travaux ont porté sur l’association entre traumatismes dans l’enfance et chacun de ces trois TCA dans une même étude et dans une population qui soit représentative de la population générale.
L’objectif de cette étude épidémiologique était donc de savoir si la prévalence des traumatismes dans l’enfance était plus importante chez les personnes souffrant de TCA, et déterminer s’il existait des différences selon le type de TCA.
Les résultats de ce travail sont issus de la célèbre étude épidémiologique NESARC-III (National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions, wave 3), réalisée entre 2012-2013 auprès de 36’309 américains représentatifs de la population générale. Dans cette étude, les TCA étaient évalués à l’aide des critères diagnostiques DSM-5, et l’existence de traumatismes dans l’enfance et/ou l’adolescence (avant l’âge de 18 ans) était également recherchée au cours de cet entretien (abus physiques sévères, abus physiques, abus sexuels, abus émotionnels, négligences physiques, négligences émotionnelles, exposition à des violences conjugales).
La prévalence moyenne des TCA était de 1,7% (0,8% chez les hommes et 2,7% chez les femmes), soit une prévalence comparable aux études antérieures. Les personnes souffrant de TCA (qu’il s’agisse de l’anorexie mentale, de la boulimie nerveuse ou d’hyperphagie boulimique) avaient plus fréquemment que les autres subi des traumatismes dans l’enfance (et cette association était confirmée chacun des 7 traumatismes évalués). Il existait néanmoins des différences entre les hommes et les femmes : chez les femmes, les traumatismes les plus fortement associés à la survenue d’un TCA étaient les abus sexuels et les abus émotionnels, tandis que chez les hommes, les traumatismes les plus fortement associés à un TCA étaient les abus sexuels et les négligences physiques.
Cette étude nous incite à avoir en tête que l’existence de traumatismes dans l’enfance est un facteur de risque de survenue de TCA à l’âge adulte, à mieux repérer cette dimension clinique dans la prise en charge des patients souffrant de TCA, et à ne pas oublier de considérer cette dimension à la fois chez les femmes et chez les hommes.
Par Paul Brunault
Antécédents de traumatismes dans l’enfance et troubles du comportement alimentaire à l’âge adulte : résultats issus d’un échantillon américain représentatif
Si les antécédents de traumatismes dans l’enfance sont des facteurs de risque bien connus de troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles de stress post-traumatique, troubles liés à l’usage de substance et de troubles de la personnalité, leurs liens avec les troubles des conduites alimentaires (=TCA) sont bien moins documentés.
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