Sujet sensible et parfois polémique, le cybersexe semble à risque d’un usage problématique voire d’une dépendance tout comme d’autres comportements 2.0 tels que l’usage d’Internet ou encore le gaming et les jeux d’argent en ligne. Ainsi on identifie une fréquence élevée de troubles de l’usage dans cette population d’usagers avec des motivations spécifiques trigger et un retentissement psychologique, affectif et sexuel significatifs. La mise en place de programmes de prévention spécifiques auprès des soignants et des usagers tout comme la mutualisation et l’adaptation des modalités de prise en charges utilisées actuellement en addictologie (thérapie psychologique, traitement médicamenteux) semblent nécessaire pour cette question qui pourrait devenir, à terme, un véritable enjeu de santé publique.
A l’ère du 2.0, de nouvelles addictions comportementales liées à la présence quotidienne d’Internet émergent. Hyperaccessible, anonyme et très abordable, la cybersexualité, qui regroupe de manière non exhaustive la pornographie en ligne, les chats explicites, les sessions webcams privées et les forums de rencontres coquins, peut rapidement devenir source de souffrance lorsqu’elle devient une addiction. C’est dans ce contexte que l’équipe d’addictologie de l’Hôpital Bichat (Pr Michel Lejoyeux) a souhaité observer la pratique de la sexualité sur le net. Cette pratique génère à ce jour environ 40% du trafic internet mondial. Sujet de peu d’études en France, l’objectif était de mieux appréhender la clinique de ce trouble chez des usagers de cybersexe en se focalisant sur sa prévalence, sa corrélation avec un trouble de l’estime de soi, les motivations à se connecter au cybersexe et ses éventuels retentissements négatifs.
Le trouble de l’usage au cybersexe touchait ainsi 63% des usagers ayant répondu à notre enquête réalisée en ligne. 27% des répondants présentaient même les critères de dépendance. Ces usagers ont pu être comparé avec le groupe de participants qui ne présentait pas de trouble de l’usage. Ainsi, les répondants présentant un trouble de l’usage du cybersexe se connectaient plus fréquemment dans une quête d’un sentiment de jouissance/excitation (70% vs 43%), afin d’assouvir des fantasmes en lien avec des pratiques sexuelles atypiques (sadisme, masochisme, fétichisme, voyeurisme, …) (29% vs 3%), mais aussi pour se soustraire au jugement d’autrui (56% vs 30%). Leur cybersexualité engendrait cependant plus de privation de sommeil (65% vs 41%), de sentiment d’isolement (52%vs 24%), et avait un impact négatif sur leur vie affective. Parmi ces conséquences négatives sont retrouvées des altérations de la vie sexuelle dans la réalité (56% vs 30%), et des difficultés de couple (44% vs 22%).