Comment évoluent les troubles du comportement alimentaire au cours de la grossesse ? Résultats d’une étude de cohorte publiée dans IJED

Les troubles du comportement alimentaire, en particulier l’anorexie, sont souvent associés à des perturbations majeures de la sexualité et de l’identité de femme et de mère chez les femmes qui en sont atteintes. L’arrivée d’une grossesse peut donc être un moment de chamboulement chez ces patients, ce qui peut aboutir en pratique à une « lune de miel » des symptômes, voire à une amélioration durable, ou bien au contraire à un effondrement psychologique qui nécessite la présence d’équipe pluridisciplinaires.

Autres addictions comportementales

Il existe de nombreuses études bien conduites portant sur les troubles du comportement alimentaire chez la femme enceinte. Ces études retrouvent des associations entre la présence de ces pathologies pendant de la grossesse et la présence de conséquences préjudiciables pour la mère et son enfant (fausses couches, prématurité, petit poids de naissance, complications obstétricales et du post partum notamment). Concernant l’évolution des troubles du comportement alimentaire durant la grossesse, la littérature rapporte des résultats variés. Des études montrent que les comportements alimentaires des femmes souffrant d’anorexie mentale et de boulimie se modifient de façon adaptée quand la grossesse se déclare. Alors que d’autres études rapportent que notamment pour les femmes souffrant d’hyperphagie boulimique, la grossesse a plutôt un impact négatif sur leur comportement alimentaire. Mais peu de données sont disponibles concernant les formes frustes de troubles du comportement alimentaire qui ne correspondent pas à des pathologies caractérisées.

 

Dans The International Journal of Eating Disorders, la plus importante revue internationale sur les TCA, vient de paraitre une étude prospective longitudinale, réalisée à Hong Kong sur 1470 femmes enceintes d’origine chinoise. Cette étude examinait l’évolution des troubles alimentaires (qui correspondent à l’association des troubles du comportement alimentaire caractérisés et des formes frustes), au cours des 3 trimestres de la grossesse et dans le post partum. Cette étude recherche de plus à identifier l’existence d’associations entre les troubles alimentaires durant la grossesse et certains facteurs démographiques, psychosociaux et psychiatriques. Les participantes ont été évaluées à 5 reprises, à l’aide d’auto-questionnaires : une fois durant chaque trimestre de la grossesse, à 6 semaines après l’accouchement et à 6 mois après l’accouchement.

 

Les résultats de cette étude mettent en évidence une diminution de la sévérité des troubles alimentaires entre la période pré gestationnelle et la grossesse elle-même, et retrouvent une aggravation de ces troubles entre la grossesse et la période du post partum. Cependant les variations retrouvées dans les scores des auto-questionnaires sont minimes et n’indiquent pas forcément un changement pertinent cliniquement. Cette étude réussit par ailleurs à montrer que des troubles alimentaires plus sévères pendant la grossesse sont associés à la présence de troubles alimentaires plus sévères dans le post-partum. Ils sont de plus corrélés à des niveaux plus hauts d’anxiété et de symptômes dépressifs durant la grossesse. Et sont également associés à un score d’Apgar à une minute plus bas et un poids de naissances en dehors de la norme (petit poids de naissance ou surpoids par rapport à l’âge gestationnel). Ceci peut avoir des répercussions à long terme sur la croissance et le développement de l’enfant.

 

Cette étude comporte cependant quelques limitations, comme un nombre de perdues de vue important (seules 232 femmes ont répondu aux questionnaires des 6 mois du post-partum), et la non utilisation d’entretiens médicaux pour évaluer les données cliniques. Il semble en tous cas important que les associations mises en évidence bénéficient d’une attention accrue et d’études plus poussées. Il parait par ailleurs essentiel que les praticiens soient sensibilisés aux troubles alimentaires, aux symptômes dépressifs et d’anxiété afin de permettre des prises en charge précoces.

Maeva SAMUEL

Interne en psychiatrie, Lyon

 

Benjamin ROLLAND

Psychiatre, addictologue

Service Universitaire d’Addictologie de Lyon (SUAL)

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