L’addiction au sport, ça existe ?

Elle peut paraître étrange et pourtant, l’addiction au sport existe. Elle est couramment appelée bigorexie. La pratique excessive du sport peut entraîner des conséquences aussi néfastes et difficiles à vivre que toute autre addiction comportementale. Le point avec l’Institut fédératif des conduites addictives (IFAC).

Autres addictions comportementales

La définition de l’addiction au sport

Pratiquer une activité physique est vivement conseillé pour la santé, et il est difficile d’imaginer qu’une pratique excessive peut conduire à un comportement addictif. Pourtant, lorsque l’addiction au sport est en place, les symptômes sont réels et les conséquences importantes pour la santé.

L’addiction au sport est définie, par le Centre d’études et de recherches en psychopathologie (CERPP) et l’Université de Toulouse et de Bordeaux, comme « un besoin irrépressible et compulsif de pratiquer régulièrement et intensivement une ou plusieurs activités physiques et sportives en vue d’obtenir des gratifications immédiates et ce, malgré des conséquences négatives à long terme sur la santé physique, psychologique et sociale ».

On utilise aussi souvent les termes de bigorexie, addiction à l’effort ou encore « sportoolisme ». Le processus est le même que pour d’autres addictions comportementales (addictions sans usage de substance) : « un comportement, dont la fonction est de procurer du plaisir et/ou de soulager un malaise interne, est utilisé dans un modèle caractérisé par un échec récurrent à contrôler le comportement (perte de contrôle) et la poursuite du comportement malgré les conséquences négatives » (Goodman, 1990 > traduit de l’anglais).

Les symptômes de l’addiction au sport

Toutes personnes pratiquant une activité physique ne développent pas une addiction au sport, fort heureusement ! Certains signes peuvent indiquer une pratique excessive.

Concrètement, pour une personne souffrant de bigorexie, le besoin d’activité physique augmente sans cesse, au point de devenir obsessionnel. La personne semble hyperactive et se challenge en permanence pour augmenter ses performances, ce qui peut entraîner des conséquences physiques (fractures de fatigue, blessures musculaires, etc.). Pratiquer une activité physique est un moyen pour elle de s’apaiser et il lui faut sa « dose quotidienne » pour se sentir bien, ce qui l’incite à toujours pratiquer davantage. Parfois, une forme de ritualisation des séances de sport apparaît, avec des gestes répétés de manière obsessionnelle. La vie sociale en dehors du sport se réduit progressivement, car tout s’organise autour du sport, et des conflits peuvent apparaître avec l’entourage.

En cas d’arrêt forcé (pour blessure notamment), la personne peut présenter des symptômes de sevrage au niveau physique et psychologique, comme pour toute addiction comportementale : irritabilité, angoisse, profond mal-être, tristesse, etc. La personne qui présente une addiction au sport va ainsi tenter à tout prix de poursuivre son activité sportive malgré des maladies ou des traumatismes graves causés ou entretenus par le sport.

Enfin, il faut également noter une association fréquente de l’addiction au sport avec un trouble du comportement alimentaire. Ainsi, une étude menée auprès de sportifs de haut niveau a retrouvé près d’un tiers de sportifs avec un trouble alimentaire, en particulier dans les sports avec une dimension esthétique (danse, gymnastique, patinage artistique, culturisme, etc.) ou ceux avec catégorie de poids (boxe, judo, aviron, etc.). Les sports dans lesquels les performances sont améliorées par une perte de poids (course à pied, ski de fond, natation, etc.) peuvent aussi être concernés.

Les facteurs qui favorisent l’addiction au sport

L’addiction au sport peut être présente chez les sportifs de haut niveau, mais il faut savoir qu’elle peut aussi toucher les sportifs qui ont une activité moyenne. Les recherches actuelles sur l’addiction au sport s’orientent vers plusieurs facteurs favorisants :

  • Les endorphines produites par le cerveau lors d’une activité physique stimulent le circuit dopaminergique, autrement appelé le circuit de la récompense (le circuit cérébral responsable de la sensation de plaisir), impliqué dans toutes les addictions. En cas d’addiction au sport, le sportif entre dans une démarche de recherche permanente de renouvellement du plaisir ;
  • Les personnes dépendantes au sport cherchent à réduire leur anxiété, leur douleur psychologique ou leurs émotions négatives avec la pratique physique ;
  • Le but recherché est un « corps parfait » afin d’améliorer l’estime de soi (complexe Adonis).

Les risques associés à l’addiction au sport

Dans une société qui développe en permanence une culture de l’image et qui encourage le culte du corps et de la performance, la pratique du sport est perçue comme particulièrement positive. Elle est mise en avant comme un critère à respecter pour être en bonne santé. Dans ce contexte, l’addiction au sport est très difficile à diagnostiquer, car les personnes concernées ont beaucoup de mal à prendre conscience de leur problème.

Les conséquences d’une pratique trop intensive du sport sont nombreuses au niveau physique, avec notamment des blessures musculaires, tendineuses et osseuses, parfois sévères. Lorsque le sport est associé à une obsession alimentaire, on peut aussi observer une perte de poids importante, une déshydratation et divers déséquilibres physiologiques.

Au niveau psychologique, parallèlement à l’isolement social, la personne touchée peut avoir des symptômes dépressifs, anxieux, et globalement ressentir une grande souffrance psychologique.

Enfin, l’addiction au sport peut être associée à des pratiques dopantes, dans l’objectif de stimuler les performances. Cette consommation peut conduire secondairement à une addiction aux substances consommées, avec ses propres conséquences négatives.

Les aides face à l’addiction au sport

Lorsque l’addiction au sport est bien installée et que la personne qui en souffre ne parvient plus à faire face, une prise en charge médicale est parfois nécessaire. Cette prise en charge est proche de celle proposée pour d’autres addictions comportementales (consultations avec un psychiatre addictologue ou un psychothérapeute formé aux thérapies cognitives et comportementales par exemple).

Un repérage précoce est préférable pour agir le plus efficacement possible. Des centres spécialisés assurent la prise en charge des personnes souffrant d’addiction au sport : les centres d’accompagnement et de prévention pour les sportifs (CAPS) et les antennes médicales de prévention du dopage (AMPD).

Sources et liens utiles :

Goodman, A. (1990). Addiction: Definition and Implications. British Journal of Addiction, 85(11), 1403-1408

Etude menée sur les athlètes de haut niveau et les liens avec les troubles alimentaires

Les antennes médicales de prévention du dopage (AMPD)

Retrouvez le guide pratique « L’addiction au sport, ça existe ? » sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.