Attirance pour le sucre : le rôle joué par l’axe intestin-cerveau

Autres addictions comportementales

Image par congerdesign de Pixabay

L’intestin est souvent décrit comme notre deuxième cerveau. Mais saviez-vous qu’il est en lien direct avec notre cerveau ?  C’est ce qu’a tenté de montrer l’étude « L’axe intestin-cerveau assure la préférence pour le sucre » publié dans « NATURE » par Tan, H.-E.  et ses collaborateurs [1].

Ainsi, les animaux qui ne possèdent plus de récepteurs gustatifs sensibles au sucre développent quand même une préférence au sucre comparé aux édulcorants. Il existerait donc une autre explication qu’une simple préférence gustative et elle serait liée à la connexion intestin-cerveau.

Pour le mettre en évidence, les auteurs ont tout d’abord marqué chez des souris la protéine FOS (marqueur de l’activité neuronale) après qu’elles ont bu différentes boissons (sucrées, édulcorées, ou de l’eau). Ils ont remarqué que des neurones situés dans la partie caudale du tractus solitaire (cNST) sont activés après la consommation de boissons sucrées et qu’ils ne le sont pas pour les autres boissons, même édulcorées. Après avoir sectionné le nerf vague (reliant le cerveau à l’estomac), cette réponse neuronale n’était plus constatée, ce qui laisse penser que la prise de sucre par l’intestin est transmise au cNST par le nerf vague. Le traçage des fibres afférentes du nerf vague a montré qu’il faut moins de 30 secondes après l’ingestion d’une solution sucrée par les souris pour que ces fibres soient activées.

Les auteurs se sont ensuite penchés sur le rôle du Sodium-Glucose-Linked Transporter 1 (SGLT1) car il s’agit du principal transporteur intestinal du sucre et ses analogues. Ils ont remarqué que la réponse du nerf vague est supprimée lorsqu’ils utilisent la Phloridzine, un antagoniste du SGLT1. Ce transporteur se révèle donc essentiel dans la perception d’une solution sucrée et sa transmission au cNST par le nerf vague.

Enfin, Tan et son équipe ont repéré que la pro-enképhaline (Penk) est un bon marqueur des neurones du cNST activés par l’ingestion de solution sucrée chez les souris. Ce constat les a conduits à manipuler chimio-génétiquement les souris en provoquant l’expression spécifique de récepteurs activateurs hM3Dq sur les neurones Penk + du cNST. Ils ont ensuite remarqué que l’ajout d’un agoniste sélectif de l’hM3Dq (la Clozapine) dans une boisson peu sucrée permet de modifier le comportement préférentiel de la souris au dépend de la solution davantage sucrée mais sans Clozapine. Cela permet donc de penser que le mécanisme de préférence au sucre se joue dans les neurones du cNST et qu’il pourrait être détourné afin de créer de nouvelles préférences.

L’attirance pour le sucre est donc plus complexe qu’une simple préférence gustative. Elle repose sur un axe intestin-cerveau mettant en jeu un récepteur intestinal (SGLT1) qui détecte le sucre, des fibres afférentes du nerf vague qui véhiculent cette information et des neurones du cNST qui modulent le comportement préférentiel des souris.  L’utilisation d’édulcorants semble donc vaine pour contrer l’appétit de sucre. Mieux connaître cette voie de communication entre le cerveau et l’intestin permettra peut-être d’ouvrir à de nouvelles perspectives thérapeutiques chez les patients qui décrivent des comportements compulsifs vers les aliments sucrés.

 

Référence :

Julie Halter – Interne DES de psychiatrie, CHU de Strasbourg – Formation Spécialisée Transversale d’Addictologie

Dr Louis-Marie d’Ussel – Référent addictions comportementales, TCA, des jeux vidéo et des JHA au CHU de Strasbourg, Service d’Addictologie

Pr Laurence Lalanne-Tongio – Responsable du service d’addictologie du CHU de Strasbourg

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