Le trouble compulsif du comportement sexuel dans 42 pays

Une synthèse scientifique réalisée par l’Institut fédératif des addictions comportementales (IFAC)

Autres addictions comportementales

Une équipe internationale de chercheurs a utilisé les résultats d’une large enquête internationale menée auprès de plus de 80 000 personnes pour valider deux outils de dépistage du trouble compulsif du comportement sexuel et évaluer les différences dans la prévalence de ce trouble entre 42 pays, 3 genres et 8 orientations sexuelles. Environ 5 % de l’échantillon souffre d’un trouble compulsif du comportement sexuel, ce qui représente une prévalence similaire à d’autres troubles psychiatriques, comme les troubles de l’humeur, beaucoup plus étudiés.

Pourquoi avoir fait cette recherche ?

Le trouble compulsif du comportement sexuel, aussi désigné sous le terme d’addiction sexuelle, a été intégré dans la dernière édition de la Classification internationale des maladies (CIM-11). Bien que les recherches se développent sur ce trouble, il n’existe actuellement pas de données probantes concernant les populations sous-représentées. En effet, les études menées l’ont toutes été dans des pays WEIRD « Western, Educated, Industrialized, Rich, Democratic », c’est-à-dire « occidentaux, éduqués, industrialisés, riches, démocratiques ». Les études se concentrent principalement sur les hommes hétérosexuels et cisgenres (des personnes dont le sexe qui leur a été assigné à la naissance correspond à leur actuelle identité de genre), ou identifient comme un groupe unique les populations ayant diverses identités sexuelles. Les scientifiques manquent ainsi de données fiables qui faciliteraient la prévention et le dépistage sur l’ensemble des populations.

Quel est le but de cette recherche ?

Le but de cette démarche est de fournir des moyens de dépistage standardisés et fiables, utilisables pour la pratique clinique et les recherches futures sur la dépendance sexuelle dans l’ensemble des populations (y compris hors pays WEIRD et quelle que soit l’orientation sexuelle et l’identité de genre).

Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?

Un groupe international de chercheurs a conduit une vaste étude collaborative intitulée l’International Sex Survey (Enquête internationale sur le sexe en français), réalisée entre octobre 2021 et mai 2022. Cette enquête anonyme a été diffusée dans 42 pays et traduite dans 26 langues, auprès de 82 243 personnes, et inclut, entre autre, deux échelles de mesure du trouble compulsif du comportement sexuel (la CSBD-19 [Compulsive Sexual Behavior Disorder Scale en 19 items] et sa version courte en 7 items, la CSBD-7). La validation de ces deux échelles comprenait notamment une évaluation de l’équivalence des critères diagnostiques entre les 42 pays, et également une comparaison entre 3 genres (hommes, femmes, genres divers), 8 orientations sexuelles (hétérosexuelle, gay ou lesbienne, bisexuelle, queer ou pansexuelle, homo et hétéroflexible, asexuelle, en questionnement, autres orientations sexuelles) et entre des individus présentant un risque faible versus un risque élevé de souffrir d’un trouble compulsif du comportement sexuel.

Quels sont les principaux résultats à retenir ?

Un peu moins de 5 % des participants avaient un risque élevé de présenter un trouble compulsif du comportement sexuel, ce qui signifie que ce trouble est aussi répandu que d’autres troubles psychiatriques pourtant étudiés davantage (comme les troubles de l’humeur). Cette étude démontre ainsi la nécessité de développer les recherches sur ce trouble.

L’étude montre également des différences sur les niveaux de prévalence du trouble selon les pays (les plus hauts niveaux ayant été observés pour la Turquie) et le genre (les plus hauts niveaux ayant été observés pour les hommes), alors qu’aucune différence n’était présente en fonction de l’orientation sexuelle.

Parmi les personnes identifiées comme ayant un risque élevé de présenter un trouble compulsif du comportement sexuel, seules 13.7 % avaient fait une démarche de recherche de traitement. Parmi les raisons invoquées par les participants n’ayant pas fait de démarche de recherche de traitement, les principales étaient le sentiment qu’il ne s’agissait pas d’un problème sérieux, le sentiment de ne pas avoir de problème de comportement sexuel, et la peur de la stigmatisation. Ces freins à la recherche de soins reflètent bien la nécessité de mieux connaître et dépister ce trouble pour mieux informer, dépister, diagnostiquer et traiter.

Enfin, les deux échelles présentaient des propriétés psychométriques (reflétant la qualité de la mesure fournie par les échelles) excellentes, quel que soit le pays, le genre ou l’orientation sexuelle. L’utilisation de la CSBD-7 est recommandée lorsque les ressources disponibles sont limitées (par exemple, espace limité dans les enquêtes) ou à des fins de dépistage rapide, car son administration prend environ deux minutes. La CSBD-19 est quant à elle utile lorsque l’objectif est d’évaluer les différents critères diagnostiques du trouble ou que des informations plus détaillées sont nécessaires (par exemple, sur les conséquences néfastes liées au trouble). Dans les deux cas, les échelles doivent être complétées par un entretien clinique plus formel pour établir tout diagnostic.

En conclusion…

En intégrant les populations habituellement mal représentées, cette étude fournit une avancée importante pour la compréhension du trouble compulsif du comportement sexuel, en facilitant son identification dans différentes populations, quelle que soit la culture, le genre ou l’orientation sexuelle. De plus, la CSBD-19 et sa version courte la CSBD-7 sont à présent en accès libre dans 26 langues. Elles peuvent être utilisées comme première étape dans le processus de diagnostic et servir de base pour de futures recherches.

Les points clés à retenir

·       Le trouble compulsif du comportement sexuel est aussi répandu que d’autres troubles psychiatriques beaucoup plus étudiés, avec près de 5% de la population qui en souffre ;

·       Seule une faible proportion (< 15%) des personnes dépistées avec trouble compulsif du comportement sexuel ont fait une démarche de recherche de traitement ;

·       Les échelles CSBD-19 et CSBD-7 sont des outils pertinents et fiables pour le diagnostic, quel que soit le pays, le genre ou l’orientation sexuelle.

*Les populations habituellement mal représentées doivent être intégrées dans les études pour obtenir des outils de diagnostic fiables et des données utilisables pour la recherche.

Plus d’informations sur cette recherche :

Bothe B, Koos M, Nagy L et al.
Compulsive sexual behavior disorder in 42 countries: Insights from the International Sex Survey and introduction of standardized assessment tools
Journal of Behavioral Addictions. Juin 2023; volume 12 (issue 2): pages 393-407.
Lien : https://doi.org/10.1556/2006.2023.00028

Retrouvez la synthèse de l’article du mois « Le trouble compulsif du comportement sexuel dans 42 pays » sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.