L’efficacité des TCC dans l’addiction aux jeux vidéo

Synthèse d’une méta-analyse parue dans Clinical Psychology & Psychotherapy

Autres addictions comportementales
Addiction Autres addictions comportementales - L’efficacité des TCC dans l’addiction aux jeux vidéo

Introduction

Les addictions aux jeux vidéo sur internet (AJVI) n’ont été listées comme addiction comportementale « possible » que depuis 2013 dans le DSM-5, puis officiellement incluses dans la CIM-11 en 2018, sous le label de trouble lié à l’usage de jeux vidéo. La méta-analyse de Winkler et al (2013) ainsi que des études complémentaires dans les suites ont permis de montrer une efficacité à court-terme des thérapies cognitives et comportementales (TCC), mais les connaissances concernant les traitements efficaces pour les AJVI restaient insuffisantes, notamment sur le long-terme. Un avantage apparent des TCC serait leurs capacités à cibler et à modifier les cognitions inadaptées qui sous-tendent les comportements de jeu générant de la détresse. En outre, les TCC ont prouvé leur efficacité dans le traitement de comorbidités des AJVI, tels que la dépression, l’anxiété généralisée, l’anxiété sociale, les idées suicidaires. Tous ces éléments suggèrent la TCC comme un candidat logique du traitement de 1ère ligne des AJVI. Cette méta-analyse récente avait ainsi pour objectif de déterminer l’efficacité à court terme et à long terme des TCC dans le traitement des AJVI en analysant quatre résultats principaux : symptomatologie des AJVI, anxiété, dépression et temps passé à jouer.

Méthode

Les études éligibles à l’inclusion concernaient celles publiées entre 2007 et 2018, avec un diagnostic d’AJVI en cohérence avec les critères proposés par le DSM-IV-TR pour celles publiées avant 2013, puis du DSM-5. 

Les études exclues concernaient celles qui ne donnaient pas de pré-test et de post-test dans leurs résultats. Une recherche dans six bases de données (Academic Search CompletePubMedPsycINFO, Science Direct, Scopus et Web of Science) a été menée. 13 études ont été incluses. L’estimation de la taille de l’effet avait été effectuée selon le g de Hedges. L’intervalle de confiance était de 95 %. 

Des analyses de sous-groupes ont été effectuées pour trois variables, à savoir les symptômes d’AJVI , l’anxiété et la dépression, afin de vérifier si des sous-groupes pouvaient expliquer l’hétérogénéité des résultats. Les études ont été classées en fonction de la population (adolescents [< 18 ans] ou adultes [> 18 ans]), de la TCC délivrée (groupe ou individuelle) ; la région (asiatique et autres), le type de praticien (psychologue ou psychiatre). Ces analyses en sous-groupes ont été effectuées à l’aide du Z-test (Borenstein et al., 2009).

Résultats

Une étude a été exclue car ses résultats avaient été jugés aberrants (g>3). Il y eut donc 12 études incluses dans la méta-analyse, avec un total de 580 participants.

Neuf études avaient proposé des TCC de groupe, et 4 des TCC individuelles. Ces études ont été menées majoritairement en Asie (8 études sur 12). Deux études ont été effectuées en Allemagne, 1 aux États-Unis et 1 au Brésil. Les psychologues étaient les thérapeutes majoritaires (7 études). La durée des traitements variait de 8 sessions à 12 sessions de TCC selon les études. Seules six études avaient fait état de l’inclusion d’un suivi, avec des suivis effectués selon les études à 8 semaines, 12 semaines, 3 mois ou 6 mois. En post test, l’amélioration des symptômes de l’AJVI ainsi que de la dépression ont été importants, et l’amélioration de l’anxiété s’est avérée modérée. Toutefois, la puissance était insuffisante pour déterminer si les TCC étaient capables de réduire le temps passé à jouer. Les gains du traitement au cours du suivi n’avaient pas été significatifs pour les quatre résultats principaux étudiés.

Discussion

Mis à part le temps passé à jouer, un gain de la mise en œuvre de TCC a été retrouvé pour les 3 autres variables en post-test. Les bénéfices rapportés de la TCC avaient fortement diminué lors du suivi, d’autant plus que la durée du suivi était longue (à 3 mois et à 6 mois notamment), mais ces résultats avaient été basés sur un nombre limité d’études. Les résultats étaient cohérents avec ceux retrouvés dans la méta-analyse de Winkler et al (2013). Ces résultats avaient suggéré que la TCC est une approche prometteuse dans le traitement des AJVI. Néanmoins, bien que les TCC représentent l’approche la plus étudiée concernant le traitement de l’AJVI, le nombre restreint d’études amène à considérer que des études complémentaires sont nécessaires afin que des guidelines précises puissent être développées.

Ces résultats doivent être considérés par rapport aux modèles récents qui décrivent des processus inadaptés qui contribuent à un comportement de jeu nuisible (par exemple, la prise de décision altérée). L’une de ces considérations est que les TCC abordées pourraient, au lieu de chercher à réduire prioritairement les symptômes, aider plutôt les usagers à retrouver une utilisation contrôlée du jeu. Pour cette raison, il semblerait que l’évaluation des thérapies pour les AJVI devrait questionner si une mesure générale de l’implication dans le jeu (par exemple, le nombre total d’heures de jeu par semaine) serait le meilleur moyen d’évaluer la capacité d’un individu à réguler son temps de jeu.

Les analyses en sous-groupe ont retrouvé que les TCC étaient plus efficaces dans la réduction des symptômes d’AJVI et de l’anxiété aussi bien chez les adultes que chez les adolescents. Ces résultats pourraient être expliqués, entre autres, par le fait que les adolescents étudiés auraient été moins disposés à s’engager dans une TCC. Une des limites de cette méta-analyse a été le faible nombre d’études ayant proposé une évaluation de suivi (6 études), ce qui limite la compréhension des effets du traitement à plus long terme.

 

Conclusion

Cette méta-analyse a montré que les TCC sembleraient améliorer les symptômes d’AJVI ainsi qu’une dépression comorbide sous-jacente. Cependant, les gains du traitement tendent à être à court-terme, et leur efficacité à réduire le temps passé à jouer n’est pas clair. Des ressources supplémentaires sont nécessaires pour soutenir le développement d’une base de données plus rigoureuse sur les AJVI et leur traitement.

Par Thibault Bouchet, interne en psychiatrie à Lyon

Relecture par Benjamin Rolland

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