En cette période de pandémie, de changements nombreux et de multiples questionnements existentiels, beaucoup s’interrogent sur le rapport idéal de l’homme à la nature, et sur les conséquences des modifications de ce lien.
Dans le domaine de l’alimentation, les chercheurs de cette étude font l’hypothèse que notre façon d’être « connecté à la nature » pourrait avoir un impact sur notre comportement alimentaire. Et ceci pourrait être particulièrement vrai chez les enfants et les adolescents, très sensibles aux influences environnementales et parentales sur leur alimentation, et ce dans la mesure où les comportements précoces sont prédicteurs des comportements alimentaires futurs.
C’est l’objet de cette étude originale réalisée par des chercheurs de l’université de Hong Kong et d’Auckland en Nouvelle-Zélande, d’évaluer si des prises en charge prenant en compte cette dimension de « connexion à la nature » seraient susceptibles d’améliorer ou non le comportement alimentaire des enfants d’âge préscolaire.
La dimension de connexion à la nature renverrait, selon ces chercheurs, à « une attitude holistique vis-à-vis de la nature et de sa protection » qui serait susceptible d’améliorer de nombreux comportements de santé et qui se traduirait par « un ensemble d’engagements et de comportements vis-à-vis de la nature ». Ainsi, des programmes de développement de l’activité physique incluant cette dimension ont été proposés à des enfants, et les auteurs se sont demandé si de telles prises en charge étaient susceptibles de modifier leurs comportements alimentaires.
Si l’on imagine bien les difficultés à préciser les limites exactes de ce concept qui n’est pas clairement délimité sur le plan théorique, l’avantage est de proposer une hypothèse originale qui pourrait permettre l’amélioration de plusieurs comportements de santé. Une des autres difficultés de cette approche est d’arriver à démontrer, une fois que l’on a prouvé que de telles approches sont efficaces, que c’est précisément cette dimension supposée de « connexion à la nature » qui explique les améliorations observées ou si d’autres mécanismes psychologiques sont impliqués.
C’est l’originalité et l’intérêt de cette étude peu classique (mais néanmoins essai clinique randomisé) publiée dans Appetite. 241 familles avec des enfants âgés de deux à cinq ans ont été choisies de façon aléatoire soit dans le groupe intervention soit dans un groupe contrôle.
Le groupe intervention comportait 10 sessions d’un programme basé sur une approche familiale qui incluait cette dimension nouvelle de « connexion à nature ». Ce programme, intitulé Play&Grow, est basé sur « l’incorporation d’engagements simples créatifs et interactifs avec le monde naturel » (pour ceux qui le souhaitent, cette intervention est décrite en détail dans l’article princeps). Ce programme se base notamment sur la théorie de l’apprentissage de Bandura et sur la théorie de l’autodétermination avec le développement d’une plus grande autonomie des enfants via des interventions sur les parents. Il s’agit par exemple de développer des compétences parentales pour les aider à faire face aux demandes de leurs enfants sur le plan alimentaire (qu’il s’agisse de vouloir manger ou de refuser de manger, ou de l’alimentation en général).
Le groupe contrôle recevait un programme conforme aux recommandations de santé gouvernementales.
Quels ont été les résultats ? L’intervention « Paly&Grow » s’accompagnait d’une augmentation des scores de « connexion à la nature » chez les enfants et chez les parents. Cette dimension de connexion à la nature était fortement associée au style alimentaire parental et dans une moindre mesure au comportement alimentaire des enfants. Le groupe intervention tendait à avoir une plus grande consommation de légumes que le groupe contrôle. Les styles parentaux étaient fortement associés au comportement alimentaire des enfants dans le groupe contrôle. On notera néanmoins plus de perdus de vue dans le groupe intervention que dans le groupe contrôle, avec des résultats analysés uniquement chez les participants (habituellement, les analyses sont faites en intention de traiter, c’est-à-dire en incluant tous les participants et non participants : c’est une limite de l’étude).
Comment interpréter les résultats de cette étude originale ?
Elle démontre que des interventions centrées sur les parents et les enfants et qui prennent en compte la dimension de plus grande autonomie des enfants (incluant cette « connexion à la nature ») est bénéfique sur le plan du comportement alimentaire chez les enfants d’âge préscolaire. Si l’intervention se revendique de cette dimension de « connexion à la nature », il reste à démontrer pourquoi cette intervention est efficace : est-ce véritablement le lien accru avec la nature, la manière avec laquelle les besoins psychologiques de l’enfant sont satisfaits, ou les deux ? (répondre aux besoins psychologiques d’autonomie de l’enfant vis-à-vis de son alimentation pourrait permettre une amélioration du comportement alimentaire, et ce qu’il s’agisse d’interventions connectées ou non à la nature).
L’autre intérêt est de démontrer que l’intervention réalisée chez les parents a un impact majeur sur le style alimentaire des parents et sur le style alimentaire des enfants, ce qui peut être autant d’interventions intéressantes pour prévenir les risques ultérieurs de la manière la plus précoce possible, qu’il s’agisse de la prévention des troubles des conduites alimentaires ou des problèmes de poids (maigreur, obésité).