De l’incitation douce à la manipulation insidieuse : les designers, architectes invisibles de nos vies connectées

“All code is political”, assénait récemment le journaliste David Cohn en réponse au New York Times qui se demandait “comment réparer Facebook”. Derrière la formule accrocheuse, une réalité : tout est calculé, rien n’est dû au hasard sur les plateformes sociales...

Autres addictions comportementales

C’est devenu l’un des marronniers favoris des journalistes en manque d’inspiration : impossible de rater, chaque année, l’indispensable papier sur la digital détox, passage obligé de l’été pour – selon les éléments de langage en vigueur – “s’éloigner des écrans” et “se reconnecter avec la nature”. Les reporters les plus téméraires partis en immersion loin de tout réseau 4G raconteront avec force détails les bienfaits de cette mise au vert. Après l’injonction au régime estival, l’injonction à la déconnexion : les sujets changent, les diktats restent. Avec, toujours, une dimension culpabilisante et un reproche implicite : si vous passez trop de temps sur les réseaux sociaux, c’est de votre faute.

Comme le régime, la déconnexion ne serait donc qu’une question de volonté ? C’est oublier qu’à des milliers de kilomètres d’ici, dans les très secrets bureaux californiens des géants du numérique, une armée de designers ne travaille justement qu’à une chose : concevoir des plateformes qui monopolisent le maximum de notre attention et provoquent des comportements d’addiction. Alors certes, il ne tient qu’à nous de nous déconnecter. Mais c’est aussi aux concepteurs de nos interfaces de nous aider à reprendre la main sur nos usages.