Trouble d’usage des jeux vidéo dans la revue Pediatrics : un vademecum pour les cliniciens avec des consignes de prévention.

Plus de 90% des enfants des pays occidentaux jouent plus ou moins régulièrement aux jeux vidéo. Chez certains d’entre eux cette pratique emmène parfois à un tableau d’addiction c.à.d. à un isolement et un rétrécissement important du champ relationnel du sujet, des conséquences familiales et scolaires et un impact sur l’état psychologique du sujet.

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Plus de 90% des enfants des pays occidentaux jouent plus ou moins régulièrement aux jeux vidéo. Chez certains d’entre eux cette pratique emmène parfois à un tableau d’addiction c.à.d. à un isolement et un rétrécissement important du champ relationnel du sujet, des conséquences familiales et scolaires et un impact sur l’état psychologique du sujet.

 

Dans Pediatrics, l’une des plus importantes revues américaines de pédiatrie, vient de paraître un article de synthèse sur l’Internet Gaming Disorder, ou en français le trouble d’usage de jeux vidéo (TUJV). Si vous lisez l’anglais, cet article court est un vrai « vademecum » du clinicien sur le sujet, et l’article est également très clair sur les limites et problèmes actuels de ce concept nosographique.

 

Pour ce billet Addict’Aide, les critères cliniques de TUJV du DSM-5 ont été traduits et listés au niveau du tableau ci-dessous. Sur un plan théorique, les auteurs de l’article de Pediatrics font le constat que pour ces critères de TUJV, le DSM-5 n’exige pas formellement que le vidéo soit pratiqué en ligne. Donc, en théorie, on pourra avoir un TUJV à Tetris ou Candy Crush. En pratique toutefois, comme le rappellent les auteurs de l’article, les études montrent que les « vrais » TUJV, avec critères DSM-5 présents, concernent quasi-exclusivement les MMORPGs (Massively Multiplayer Online Role-Playing Games), c.à.d. des jeux en réseau comme World of Warcraft où le joueur incarne un personnage constant dans le temps. En outre, certains critères évoquent clairement  Il faut dire qu’il faut présenter au moins 5 des 9 critères DSM-5 au sein de l’année écoulée, et que ces critères sont assez exigeants (voir ci-dessous). Certains critères exigent des répercussions importantes sur la vie du sujet.

 

Critères DSM-5 de TUJV (traduction personnelle)

 

  • Préoccupation au sujet des jeux vidéos : l’individu repense au précédent épisode de jeu ou anticipe le suivant ; le jeu devient l’activité dominante de la vie quotidienne ;
  • Symptômes de sevrage : lorsque la pratique de jeu vidéo est arrêtée, les symptômes typiques sont irritabilité, anxiété, et tristesse
  • Tolérance: le sujet passe un temps croissant à jouer aux jeux vidéo.
  • Tentatives infructueuses de contrôler ou réduire la participation à la pratique de jeu.
  • Perte d’intérêt dans les relations de la vraie vie, dans les hobbies antérieurs, and dans d’autres sources d’amusement ou de loisirs en dehors des jeux vidéo.
  • Usage persistant de jeux vidéo malgré le constat par le sujet de conséquences psychosociales.
  • Le sujet trompe sa famille, les soignants, ou d’autres personnes, sur sa pratique réelle de jeux vidéo.
  • L’usage de jeux vidéo sert à fuir ou à diminuer une humeur négative (p.ex., sentiment d’impuissance, culpabilité, ou anxiété).
  • Le sujet met en péril ou a perdu des relations, un travail, sa scolarité, ou sa carrière à cause de sa participation aux jeux vidéo.

 

 

Les auteurs rapportent dans l’article les taux de prévalence mesurés en population générale, qui sont extrêmement variables puisqu’ils vont de 1 à 10% selon les études. Cette hétérogénéité des mesures tient notamment à l’immense variété des outils de dépistage et de mesure du trouble, le choix parmi ces outils n’ayant pas encore fait l’objet d’un consensus international, ce qui gène encore considérablement l’étude épidémiologique du phénomène. Les principaux facteurs de risque de TUJV retrouvés chez l’enfant et l’adolescent sont l’impulsivité et des compétences sociales plus réduites.

 

Au niveau du traitement, les auteurs soulignent qu’il n’existe à ce jour aucun essai clinique randomisé contrôlé sur le TUJV. Des publications surtout observationnelles rapportent la description de protocoles variés de thérapie cognitivo-comportementale, mais l’efficacité précise de ces protocoles reste encore incertaine. A ce jour, l’utilisation de traitement médicamenteux dans le TUJV n’a jamais été évoquée ni évalué.

 

Les auteurs listent les pistes de recherche importantes pour les prochaines années, en particulier : 1) d’aller tester la validité des critères actuels, ceux-ci n’ayant jamais vraiment été mesurés en population clinique,  2) d’explorer plus en détails les facteurs de risque et comorbidités psychiatriques du TUJV, 3) de mieux décrire l’évolution ou les trajectoires évolutives du TUJV car on connaît très peu les facteurs pronostics et l’évolution spontanée ou sous traitement, 4) de mettre en place des essais cliniques bien construits et de larges échantillons pour évaluer les traitements, et 5) d’étudier les différences cliniques et pronostiques en fonction du type de jeu vidéo.

 

Enfin et surtout, les auteurs proposent des recommandations intéressantes, notamment au regard de la prévention (voir ci-dessous).

 

Recommandations de prévention du TUJV (selon Gentile et al., Pediatrics 2017)

  • Ne pas disposer d’accès direct à un support informatique (ordinateur, tablette…) dans la chambre d’un enfant.
  • Ne pas autoriser l’usage d’un support informatique à moins d’une demi-heure du coucher.
  • Limiter le temps de jeu à 1 à 2 heures par jour au maximum.
  • Définir des règles d’accès pour les jeunes enfants.
  • Superviser l’usage pour les plus jeunes enfants
  • Laisser les enfants plus âgés proposer aux parents le cadre d’usage qu’ils devront respecter.