
« J’avais l’impression d’être intense. Vivante. Comme si j’étais droguée. » C’est le regard voilé et la voix cassée que cette ancienne patiente se souvient. Anorexique et boulimique pendant douze ans – comme en attestent les photos de son corps totalement décharné qu’elle tend à la caméra d’Arte – son combat contre la maladie, ponctué de rechutes, a été laborieux. Cette jeune femme blonde relate « la sensation d’être complètement vide » qu’accompagnait le refus de se nourrir. « Le contrôle est là. On sait que c’est l’enfer, mais on y va ».
Un flirt avec la mort
Une autre femme à silhouette filiforme offre son dos à la caméra d’Arte pour que son visage reste dans l’ombre. Elle se rappelle avant tout de la jouissance « du contrôle total sur son corps ». « C’est très très fort », chuchotera l’inconnue en parlant de sa « descente crescendo aux enfers ». « Un jour je me suis dit que je n’arriverai jamais [à en sortir]. Que c’était fini. » Elle a même « pris des médicaments » dans une tentative de suicide. L’anorexie est une maladie dont elle ne s’est pas complètement défaite : « Je rêve encore, la nuit, qu’on me coupe des bouts de fesse, de hanche, tous les bouts qui dépassent avec un véritable outil ».
Ce trouble alimentaire a des répercussions sur la perception du monde du malade, et sur la rationalité dont celui-ci peut faire preuve. Une jeune patiente de 14 ans, hospitalisée à Nice, a décrété que le simple fait « d’inhaler l’odeur de la nourriture la faisait grossir », rapporte le personnel médical, passablement inquiet de l’état « de tristesse » de cette adolescente de 40 kilos. « Elle va parfois prendre des douches de deux heures où elle se frottera très violemment » parce qu’elle a l’impression que ce geste la fait maigrir.