La notion d’addiction aux jeux vidéo fait l’objet d’un intérêt croissant : le trouble lié l’usage des jeux vidéo sur internet a été proposé en 2013 dans le DSM-5 comme devant faire l’objet de recherches complémentaires, et la classification CIM-11 de l’Organisation Mondiale de la Santé (publication prévue juin 2018) vient d’intégrer l’addiction aux jeux vidéo au même titre que les autres addictions. Si le débat reste encore ouvert sur les limites de ce concept, il est bien démontré que les addictions impliquent des causes à la fois biologiques, psychologiques et sociales, et il est important de connaître mieux comprendre les facteurs associés aux dommages potentiellement associés à cette possible addiction.
Dans cet article publié par des chercheurs en psychologie de l’Université de Hong Kong, ces auteurs ont cherché à mieux appréhender le lien entre les « problèmes liés à l’usage des jeux vidéo » et la qualité des interactions parents – enfants. En effet, on sait que des interactions parents – enfant de mauvaise qualité sont associés à plus de problèmes liés aux jeux vidéo, mais nous ne savons pas encore bien quelles types d’interactions seraient particulièrement à risque. La plupart des études se basent sur des auto-questionnaires, et cette étude se propose d’évaluer la qualité des interactions parents – enfants à l’aide d’un entretien en direct avec un des parents et l’enfant, permettant ainsi une évaluation plus proche de la réalité. Ceci a permis d’évaluer chez 241 familles les niveaux d’affectivité (propension à exprimer des émotions dans la famille), de cohésion familiale et les comportements parentaux pendant ces séances, et de chercher à le corréler avec les problèmes éventuels (actuels et futurs) vis à vis des jeux vidéo. L’âge moyen des enfants était de 12 ans (entre 8 et 15 ans). Dans 78% des cas, l’entretien avec l’enfant était conduit avec sa mère. Les enfants ont complété des questionnaires évaluant les symptômes d’addiction aux jeux vidéo et l’exposition potentielles à des jeux violents à un moment donné (T1) et 12 mois plus tard (T2).
Ce travail a démontré qu’au cours de la première évaluation (T1), les niveaux d’affectivité positive (propension à exprimer les émotions positives au sein de la famille) et de cohésion familiale étaient inversement corrélés aux symptômes d’addiction aux jeux vidéo. Autrement dit, plus les niveaux d’affectivité positive et de cohésion familiale étaient faibles, plus les symptômes d’addiction aux jeux vidéo étaient importants.
Plus les parents avaient tendance à contrôler le comportement de jeu de leur enfant à T1 (dimension de « cohersiveness »), plus les symptômes d’addiction aux jeux vidéo étaient important un an plus tard. La tendance des parents à contrôler le comportement de jeu de leur enfant était corrélé à la tendance des enfants à jouer à des jeux violents. Enfin, l’affectivité négative (propension à exprimer des émotions négatives dans la famille) était un facteur qui avait tendance à diminuer le rôle protecteur de l’expression des émotions positives dans la famille, et qui avait tendance à augmenter l’exposition à des jeux vidéo violents de ces mêmes enfants un an plus tard.
Si l’on savait déjà que la qualité des interactions parents – enfant était associée aux symptômes d’addiction aux jeux vidéo chez les enfants et adolescents, cette étude nous apporte des éclairages complémentaires. Plus précisément, la facilité qu’il y a à exprimer des émotions dans la famille et la nature des comportements parentaux vis à vis de leurs enfants (tendance à vouloir contrôler de comportement de ses enfants) apparaissent comme autant de facteurs de associés au développement ultérieur de problèmes vis à vis des jeux vidéo et de l’addiction aux jeux vidéo. Ce travail souligne tout l’intérêt d’un approche systémique et familiale lorsque l’on s’intéresse à l’addiction aux jeux vidéo chez les enfants et adolescents (qui sont les adultes de demain), et offre de pistes de prévention et thérapeutiques intéressantes.