Série : “A Young Doctor’s Notebook“


Une série en 2 saisons et 8 épisodes 
de Mark Chappell et Alan Connor
 diffusée sur Arte.

Opiacés

En 1934, à Moscou, le Dr Vladimir Bomgard, la petite quarantaine, reçoit la visite d’agents du NKVD, la police secrète soviétique. Il est soupçonné d’avoir falsifié des ordonnances en les établissant au nom de personnes décédées afin de se faire prescrire de la morphine en quantité non négligeable. Les agents, en fouillant dans les affaires du médecin, tombe sur un journal de bord rédigé dans ses jeunes années lors de sa toute première affectation. Le Docteur a donc des comptes à rendre à la police secrète qui se rend bien compte de l’addiction à laquelle est sujet le médecin. Par compassion pour un homme dont il sait qu’il doit faire face aux symptômes douloureux du manque, un agent lui tend une seringue préremplie d’une solution morphinique. Les souvenirs des premiers usages ressurgissent… L’opiacé accompagne en effet le médecin depuis 1917 quand, tout jeune médecin, à peine diplômé de l’école de médecine, il est affecté au fin fond de la campagne russe, dans un village reculé, Mourievo, pour y remplacer le fameux, vénérable et feu Leopold Leopoldovich dans un petit hôpital, peu pourvu, où travaillent deux sages-femmes et un barbier chirurgien. Ce qui attend le jeune médecin est loin de ce qu’il avait imaginé, et la morphine lui sera d’un très grand secours pour soulager les douleurs des uns et des autres mais aussi ses peines et ses tourments. Le remède deviendra malheureusement poison. Le récit des bienfaits et des méfaits de la morphine remplira une partie des pages de ce journal de bord imagé, adapté du récit du fameux romancier russe Mikhaïl Boulgakov, récit dont le titre est Morphine. Cette adaptation repose également sur deux autres récits de Boulgakov, médecin donc à ses premières heures : Récits d’un jeune médecin et Les aventures singulières d’un docteur 

En 1917, le très jeune docteur est un parfait débutant, manque de confiance en lui et n’est pas toujours de très bonne volonté pour affronter les lourdes opérations qui l’attendent. Ses patients sont essentiellement composés de paysans accidentés ou atteints de maladies graves comme la syphilis, la tuberculose ou la malaria. Mais il doit aussi pratiquer des accouchements, ce qui est loin visiblement d’être sa spécialité. La révolution russe de 1917 et ses combats entre l’armée impériale et les bolcheviques fera grossir les rangs de cette patientèle en mal de soins dans cette campagne particulièrement hostile… Pour accompagner le jeune médecin dans ses aventures, l’homme mûr qu’il deviendra à quarante ans, son double du futur donc, fait régulièrement des apparitions pour bousculer et culpabiliser à l’occasion un jeune homme pas toujours intègre, et souvent dépassé par les événements… L’accumulation des contrariétés et des déceptions, la routine, l’ennui, un environnement hostile, et une furieuse envie de s’échapper vont précipiter le médecin dans une consommation de morphine qui deviendra incontrôlable… A noter que les usages de psychotropes les plus importants sont ici à mettre sur le compte du tabac, puisque le docteur va jusqu’à consommer cinquante cigarettes par jour…

Mais revenons à la morphine. Les réserves du dispensaire diminuant à vue d’œil, et une inspection des registres par un représentant du Zemstvo, l’assemblée provinciale, étant annoncée, le docteur doit mettre en place des stratégies perfides pour que sa consommation malvenue d’analgésiques, réservés en principe aux patients, passe inaperçue. Plus d’un quart des réserves a déjà disparu dans les veines du médecin. Il commence alors par exemple à falsifier des autorisations de réassortiments en les signant sous le nom de feu Leopold Leopoldovich pour tenter, sans succès, d’acheter des quantités astronomiques de morphine en ville. Il substitue également les flacons de solutions morphiniques de la pharmacie de l’hôpital par de l’eau, au risque de se retrouver dépourvu quand les blessés des combats s’accumuleront dans les couloirs… Les réserves de morphine finissent par totalement s’épuiser, et ce malgré les précautions prises pour limiter les doses administrées aux soldats. Le médecin est alors désespéré de ne plus avoir à disposition son analgésique préféré. Ses injections de cocaïne ne peuvent bien évidemment pas se substituer, dans les effets recherchés, à celles de l’opiacé…

Son secours, pour un temps du moins, le jeune médecin le trouvera dans l’amour qu’il ressent pour la jeune femme qui accompagne un régiment de l’armée impériale séjournant quelques semaines dans le dispensaire… Malheureusement, son attirance pour cette jeune aristocrate n’est pas réciproque et la déception est au rendez-vous… La morphine saura redevenir une priorité au moment opportun, et empêchera le médecin de sauver sa belle…

Les écrits de Mikhaïl Boulgakov, et son adaptation, ne sont donc pas de ceux qui glorifient le quotidien d’un médecin de campagne, mais qui, entre autres, éclairent simplement sur les raisons qui poussent un homme sous pression, ou désespéré, un médecin en l’occurrence, « qui sait bien pourtant ce qu’il fait », à trouver un refuge dans les paradis artificiels, quels qu’ils soient… 

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