Autisme et troubles des conduites alimentaires : quelles données récentes ?

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L’anorexie mentale est un trouble psychiatrique potentiellement fatal s’il n’est pas traité, avec une prévalence parmi les échantillons de la communauté de 0,3% et l’un des taux de mortalité les plus élevés parmi tous les troubles mentaux. Ce trouble se manifeste principalement à l’adolescence précoce. La comorbidité entre l’autisme et l’anorexie mentale est un sujet complexe et peu étudié, mais qui suscitent de plus en plus d’intérêt dans le domaine de la psychiatrie et de la psychologie. Les études suggèrent que les patients atteints d’autisme présentent un risque plus élevé de développer des troubles des conduites alimentaires, en particulier l’anorexie mentale. Cependant, les mécanismes sous-jacents de cette comorbidité ne sont pas encore clairement compris. Il est important de noter que la comorbidité entre l’autisme et l’anorexie mentale peut présenter des défis importants en matière de diagnostic et de traitement. A ce stade, il est important de distinguer deux notions abordées dans la littérature : la comorbidité au sens du diagnostic, et ensuite les liens que l’on peut observer au niveau des symptômes. Nous parlerons donc de « traits autistiques » dans ce dernier cas afin de faire référence aux symptômes autistiques, qui ne sont pas nécessairement équivalents à un diagnostic de trouble du spectre autistique (TSA). Pour la suite, nous aborderons essentiellement le cas de comorbidité avec l’anorexie mentale restrictive. En particulier, Westwood et Tchanturia (2017) ont montré que malgré des outils d’évaluation différents pour l’évaluation des traits autistiques ou de l’anorexie mentale, la littérature montre que les symptômes autistiques sont systématiquement plus présents qu’en population normale (environ 30% des femmes souffrant d’anorexie mentale). La revue systématique la plus récente de Boltri et Sapuppo (2021) a ainsi montré que des études menées auprès d’adultes (utilisant à la fois des mesures d’auto-évaluation et des mesures diagnostiques) rapportent entre 8,8 % et 24,5 % de participants répondant aux critères d’un éventuel trouble autistique en comorbidité avec une anorexie mentale. Les résultats de la revue de littérature suggèrent que certains traits autistiques ne s’atténuent pas avec la reprise de poids, et qu’il pourrait être nécessaire de les prendre en compte tout au long de la prise en charge et après le rétablissement du poids. En outre, des comportements alimentaires spécifiques fréquemment observés dans les TSA et liés aux aspects sociaux de l’alimentation semblent persister au fil du temps, ce qui suggère que les difficultés sociales liées aux TSA pourraient ne pas dépendre des effets de la restriction alimentaire et de la dénutrition. Par conséquent, la comorbidité anorexie et TSA pourrait impliquer un pronostic plus défavorable, non directement lié aux seuls résultats des troubles de l’alimentation. Cette comorbidité pourrait impliquer une anorexie mentale plus grave et un fonctionnement global altéré, nécessitant donc des programmes de traitement plus longs et plus intensifs. Dans l’ensemble, la plupart des études suggèrent que certains symptômes autistiques, en particulier ceux liés au fonctionnement social, pourraient être stables dans le temps et même précéder l’apparition de l’anorexie mentale. Dans cette idée, récemment, Fithall et al. (2023) se sont intéressés aux liens entre TSA et AN et la théorie de l’esprit (c.-à-d. la capacité à percevoir les états mentaux d’autres personnes). En effet, ces difficultés de théories de l’esprit sont un symptôme important et reconnu dans l’autisme. Moins connues, des études montrent également des difficultés régulières de théorie de l’esprit chez les patients souffrant d’anorexie mentale. Ainsi, dans leur étude Fithall et al. (2023) ont interrogé 329 participants de 18-25 ans via une enquête en ligne. Ces participants ont eu à répondre à un questionnaire explorant les traits autistiques explorant les compétences sociales, les capacités de changement d’attention, la communication, l’imagination et le souci du détail ; ainsi qu’une évaluation de la restriction alimentaire, les préoccupations alimentaires, les préoccupations liées à la forme du corps et les préoccupations liées au poids. Les résultats ont montré que des niveaux plus élevés de traits autistiques, en particulier la difficulté à changer d’attention, étaient associés à une psychopathologie accrue des troubles de l’alimentation. Étant donné que certaines zones de symptômes qui se chevauchent entre l’anorexie mentale et le trouble du spectre autistique doivent encore être clarifiées, et compte tenu des implications critiques de cette comorbidité sur le traitement, le nombre de recherches dans ce domaine reste limité. D’autres études sont donc nécessaires pour mieux définir la relation entre l’anorexie mentale et les troubles du spectre autistique. En conclusion, aujourd’hui, un diagnostic de TSA devrait systématiquement être abordé dans le cas d’une anorexie mentale, compte tenu des preuves de comorbidité entre les deux troubles et de leur impact sur le pronostic et le traitement. Dans une moindre mesure, des évaluations approfondies du fonctionnement socioémotionnel devraient également être effectuées chez les personnes souffrant d’anorexie mentale, afin de détecter toute présence de traits autistiques (au-delà d’un diagnostic) et notamment des difficultés de théorie de l’esprit. Ces éléments permettent également d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques pour les patients souffrant d’anorexie mentale, en envisageant de davantage travailler la théorie de l’esprit pour réduire la pression sociale que peuvent ressentir ces patients. Il est également nécessaire que de futures études se penchent sur les mécanismes biologiques et génétiques sous-jacents à la comorbidité entre l’anorexie mentale et le trouble du spectre autistique. Valentin Flaudias  Références :   Boltri, M., & Sapuppo, W. (2021). Anorexia Nervosa and Autism Spectrum Disorder : A Systematic Review. Psychiatry Research, 306, 114271. https://doi.org/10.1016/j.psychres.2021.114271 Fithall, K., Gray, I. E., Linardon, J., Phillipou, A., Donaldson, P. H., Albein-Urios, N., Enticott, P. G., Fuller-Tyszkiewicz, M., & Kirkovski, M. (2023). Exploring the role of autistic traits and eating disorder psychopathology on mentalising ability in the general population. BMC Psychology, 11(1), 269. https://doi.org/10.1186/s40359-023-01306-z Westwood, H., & Tchanturia, K. (2017). Autism Spectrum Disorder in Anorexia Nervosa : An Updated Literature Review. Current Psychiatry Reports, 19(7), 41. https://doi.org/10.1007/s11920-017-0791-9