Blocage simultané des récepteurs adrénergiques α1b et sérotoninergiques 5HT2A : étude de preuve de concept de phase 2, randomisée et contrôlée dans le trouble de l’usage d’alcool.

Alcool

Le concept de blocage simultané des récepteurs adrénergiques α1b et sérotoninergiques 5HT2A a été développé par le neurobiologiste Jean-Pol Tassin, qui a montré que les conduites addictives étaient liées à un découplage des voies sérotoninergiques et noradrénergiques. Il a fait l’hypothèse qu’un recouplage de ces voies serait possible en bloquant simultanément ces récepteurs sérotoninergiques et adrénergiques. Ce recouplage aurait un effet de réduction de l’appétence pour l’alcool et de récupération du contrôle de la consommation d’alcool. Ce concept a été validé dans des études précliniques avec des modèles animaux d’alcoolopréférence avec la prazosine, un antagoniste des récepteurs 5HT2A, et la cyproheptadine un antagoniste des récepteurs α1b. L’administration de la prazosine seule ou de la cyproheptadine seule n’a pas d’effet sur la consommation d’alcool, alors que l’administration simultanée des deux molécules entraîne une réduction marquée de la consommation d’alcool. Il s’agissait donc maintenant de valider le concept chez des patients souffrant d’un trouble de l’usage d’alcool sévère.

L’essai clinique est une étude de phase 2 randomisée en double aveugle avec trois bras parallèles, un bras où les patients sont traités avec du placebo et deux autres bras où ils sont traités avec la combinaison cyproheptadine-prazosine à deux doses différentes, 8 mg/jour ou 12 mg/jour pour la cyproheptadine et 5 mg/jour ou 10 mg/jour pour la prazosine. La durée du traitement était de douze semaines sans sevrage préalable. 154 patients ont été inclus dans les 32 centres investigateurs entre novembre 2019 et avril 2021. 93 patients ont suivi la totalité des douze semaines de traitement. Dans les quatre semaines précédant l’inclusion, les participants, âgés de 50 ans en moyenne et plutôt des hommes, consommaient une moyenne de 11 verres standard/jour.

La réduction de la consommation d’alcool était de 2 verres/j plus importante dans le groupe haut dosage par rapport au groupe placebo quand on prend l’ensemble des patients inclus. Les résultats étaient meilleurs avec les patients qui sont restés jusqu’au bout de l’étude, avec une différence significative dépassant 2,6 verres/j entre ces deux groupes. C’est également chez les patients restés jusqu’au bout de l’étude qu’on a pu observer une réduction importante du nombre de jours avec une consommation excessive d’alcool : presque 6 jours de consommation excessive en moins dans le groupe haut dosage par rapport au groupe placebo au cours des 4 dernières semaines de traitement. De même, c’est chez ces patients qu’a été observé une augmentation plus importante du nombre de jours d’abstinence : presque 5 jours d’abstinence en plus dans le groupe haut dosage par rapport au groupe placebo au cours des 4 dernières semaines de traitement. L’étude a également permis de montrer que le traitement permettait de réduire les fortes envies de boire, comme les scores de dépression.

Sans surprise, le profil de sécurité de la combinaison de ces deux médicaments, chacun commercialisés depuis plus de 30 ans, n’a pas posé de problème, en dehors d’une prise de poids de 2,5 kilos en trois mois, dont les patients ne se sont pas plaints.

En conclusion, cette étude a permis de confirmer l’efficacité et la bonne tolérance de l’association de la prazosine et de la cyproheptadine dans le traitement du trouble de l’usage d’alcool sévère. Ces résultats doivent maintenant être confirmés auprès d’un nombre plus important de patients dans des études de phase 3.

Par Jean-Henri Aubain

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