L’approche par réseau de symptômes au profit de la compréhension de l’anorexie mentale

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Depuis quelques années, nous observons un intérêt grandissant pour l’étude de la psychopathologie utilisant des analyses en réseau de symptômes. Il s’agit, selon cette approche, de considérer un trouble mental comme une constellation de symptômes, plus ou moins reliés fortement entre eux. Cette approche permet de davantage comprendre les comorbidités possibles entre différentes pathologies, mais également la diversité de profils de patient dans une classe de pathologie donnée.

Ainsi, les liens entre les symptômes ont une importance dans le développement et le maintien d’une pathologie, c’est pourquoi cette approche connait un succès important. Une synthèse claire et accessible a été proposée par Borsboom dans un article publié en 2017 dans la revue américaine World Psychiatry1.

Concernant l’anorexie mentale, un consensus existe pour dire que le cœur de la problématique réside dans la surestimation du poids et de la forme du corps2. Cependant, il est particulièrement important de comprendre comment cette problématique centrale conduit à la symptomatologie bien connue de ce trouble. Ainsi, les études récentes utilisant des analyses par réseau de symptômes ont montré que des symptômes de psychiatrie générale (symptômes d’anxiété et dépressifs, problèmes interpersonnels et sentiment d’inefficacité) sont fortement liés aux problématiques de préoccupation corporelle (en particulier la recherche de minceur et des difficultés de perception de signaux de leur corps) pour ce trouble.

Cependant, il n’existait pas à ce jour d’études par réseau de symptômes explorant les symptômes psychiatriques dans une population en début de pathologie, à savoir les adolescents. L’équipe italienne de Alessio Maria Monteleone3 a répondu à ce manque dans un article paru en septembre 2019 dans la revue  International journal of eating disorders. Ils ont conduit une analyse par réseau de symptômes auprès de 405 patients âgés de 9 à 18 ans sur des dimensions psychiatriques (en particulier anxio-dépressive), et l’ensemble des symptômes connus pour l’anorexie mentale.

Leurs résultats ont mis en évidence que les symptômes les plus centraux chez des patients adolescents souffrant d’anorexie mentale sont les symptômes dépressifs et l’isolement. Parmi les symptômes spécifiques de l’anorexie mentale, seule la recherche de minceur est centrale. Bien que ces symptômes soient les plus centraux, les autres symptômes importants sont l’ascétisme , les symptômes de stress post-traumatiques, des symptômes d’anxiété physique et une faible estime de soi. Ainsi, l’ensemble de ces symptômes semblent constituer le cœur de la problématique chez les adolescentes souffrant d’anorexie mentale.

Ces résultats sont particulièrement importants pour proposer une prise en charge la plus précoce possible et donc la plus efficace. Une attention particulière doit être portée sur les interventions se focalisant sur des symptômes psychiatriques générales comme la gestion des éléments stressants pour diminuer l’anxiété, et l’amélioration de l’estime de soi en complément des thérapeutiques visant les préoccupations corporelles. Ceci souligne l’importance des thérapies explorant plus largement le spectre psychopathologique comme :

  • Les Thérapies cognitivo- comportementales,
  • Les thérapies interpersonnelles,
  • Les thérapies psychodynamiques,
  • La mindfulness.

Pour conclure, l’approche par réseau de symptômes a permis de mettre en avant des symptômes ayant un fort impact sur les aspects problématiques spécifiques à l’anorexie mentale. Ceci offre de nouvelles cibles thérapeutiques et de prévention probablement plus faciles d’accès pour un patient, en particulier adolescent. En effet, les thérapies actuelles ciblent principalement la réduction des symptômes liés à la problématique alimentaire (ex : travail sur l’image corporelle, sur les apports nutritionnels …). Or, dans l’anorexie mentale, les pensées obsédantes pour la nourriture sont au coeur de la problématique, et un travail sur ces notions est donc particulièrement difficile. Une thérapie ciblée sur la gestion de l’anxiété et l’estime de soi est moins anxiogène pour le patient et a pourtant un effet important sur la gestion de la prise alimentaire et de la perception corporelle. Ces psychothérapies ne sont donc pas à négliger pour la prise ne charge de nos patients souffrant d’anorexie mentale.

Par Valentin Flaudias

Références

  1. Borsboom D. A network theory of mental disorders. World Psychiatry. 2017;16(1):5-13. doi:10.1002/wps.20375
  2. Fairburn CG, Cooper Z, Shafran R. Cognitive behaviour therapy for eating disorders: a “transdiagnostic” theory and treatment. Behav Res Ther. 2003;41(5):509-528. doi:10.1016/s0005-7967(02)00088-8
  3. Monteleone AM, Mereu A, Cascino G, et al. Re‐conceptualization of anorexia nervosa psychopathology: A network analysis study in adolescents with short duration of the illness. Int J Eat Disord. 2019;52(11):1263-1273. doi:10.1002/eat.23137

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