L’utilisation des réseaux sociaux par les adolescents représente-t-elle un risque de développer un Trouble des Conduites Alimentaires ?

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Image par alexramos10 de Pixabay

Depuis plusieurs décennies, les chercheurs se sont attachés à étudier les liens entretenus entre l’utilisation des médias, l’image du corps et le risque de développer un Trouble des Conduites Alimentaires (TCA). Cependant, les différentes formes de médias ont évolué depuis les premières recherches à ce sujet. La télévision et les magazines ne sont plus les seules à véhiculer des représentations et images corporelles idéales. Plus récemment, la littérature scientifique s’est intéressée à la relation entre l’utilisation des réseaux sociaux et l’image que les individus construisent de leur corps (par exemple : leur insatisfaction corporelle et leur capacité à percevoir leur corps objectivement1). La majorité de ces études s’est penchée sur la population des femmes jeunes adultes.

Ainsi, il existait peu d’études à ce jour mesurant le lien entre l’utilisation des réseaux sociaux et les désordres alimentaires chez les adolescents. Le début de l’adolescence est pourtant une période durant laquelle le risque de développer des désordres alimentaires est particulièrement élevé2. Dans un article paru en décembre 2019 dans la revue International Journal of Eating Disorders, Wilksch, O’Shea, Ho, Byrne et Wade se sont donc penchés sur la question. Pour mener leur étude, ils ont recrutés 996 élèves australiens de 12 à 13 ans, en classe de 5ème et 4ème.

Parmi ces élèves, 45% des garçons et environ 52% des filles ont rapporté la survenue d’au moins un désordre alimentaire au cours des 12 derniers mois, dans le but de perdre du poids ou d’éviter de grossir. Près de la moitié des élèves a donc déjà sauté des repas, eu recours aux vomissements provoqués, mangé très peu de nourriture, suivi un régime alimentaire strict ou un programme d’exercice strict, dans le but de contrôler son poids. En plus de la survenue d’au moins un désordre alimentaire, 14% des filles et 5% des garçons surévaluaient l’importance accordée à leur poids et leur forme corporelle.

En ce qui concerne leur utilisation des réseaux sociaux, 70% des garçons et 75% des filles possédaient au moins un compte sur un réseau social. Cependant, l’activité qu’ils en font est différente. Sur Instagram et Snapchat, les filles avaient plus tendance à poster des photos de personnes (des photos d’elles-mêmes prises par d’autres, des photos d’amis, de célébrités) que les garçons. Elles postaient également deux fois plus de photos de nourriture sur Snapchat. Ces résultats suggèrent que les filles se focalisent davantage sur l’apparence et sur la nourriture que les garçons, ce qui correspond donc à un plus grand risque de développer un TCA. Ces données entrent en concordance avec les constatations antérieures selon lesquelles une activité accrue en lien avec l’apparence sur les réseaux sociaux (par exemple, commenter des photos, publier des photos) est associée à des niveaux plus élevés d’intégration de l’idéal de minceur, de recherche de minceur et d’insatisfaction du poids chez les lycéennes3.

Ainsi, l’utilisation des réseaux sociaux et le risque de développer un TCA semblent étroitement liés. En effet, les filles qui utilisent Snapchat et Tumblr et les garçons qui utilisent Snapchat, Tumblr, Instagram, Facebook présentent de plus grandes préoccupations liées au corps et à la forme.

Instagram et Snapchat sont les plateformes les plus populaires. Par rapport à Facebook, elles sont particulièrement basées sur l’image. Or, il apparaît que les collégiennes qui utilisent Snapchat ont davantage tendance à manger peu, sauter des repas, suivre des programmes de repas strict, faire de l’exercice strict et à surévaluer l’importance de leur poids. Celles qui possèdent des comptes Instagram sautent plus de repas et font plus d’exercices physiques stricts. D’autre part, plus le temps qu’elles passent à utiliser ce réseau social est important, plus les pensées et comportements en lien avec les TCA le sont également. Concernant les garçons qui ont un compte sur un réseau social, ils sont plus enclins à sauter des repas. En plus de cela, ceux qui possèdent un compte Tumblr ont davantage tendance à manger peu pour contrôler leur poids.

 

Cet article suggère que les réseaux sociaux, en particulier les plateformes qui conduisent les utilisateurs à se focaliser sur les images postées et sur le nombre de vues, est associé à un plus grand nombre de pensées et de comportements en lien avec les TCA chez les jeunes adolescents. Il convient donc de considérer le risque qu’ils pourraient représenter pour le comportement alimentaire des collégiens, filles comme garçons. Il convient donc d’avertir les parents qu’ils ont un rôle essentiel à jouer dans le contrôle du temps alloué à leur utilisation. Cette idée est d’autant plus importante à considérer qu’une étude récente menée par Fardouly et ses collaborateurs4, a montré que les adolescents dont les parents contrôlent le temps qu’ils passent sur les réseaux sociaux ont une satisfaction de vie plus importante.

Cependant, il est primordial que les jeunes développent un ensemble de compétences propres à l’utilisation des médias. Une approche visant à réduire leurs effets potentiellement néfastes peut être l’éducation aux médias5,6. Notamment, les chercheurs proposent de faire réfléchir l’adolescent à plusieurs questions : « Dans quelle mesure est-il utile/inutile de faire une comparaison entre soi et les images sur les réseaux sociaux ? » ou encore « Quelle est la probabilité que l’image ait été modifié et ne représente pas la réalité ? ». Le programme aide ainsi les jeunes à se faire une opinion sur la relation qu’ils souhaitent entretenir avec les réseaux sociaux.

 

 

Lisa Baron (Stagiaire Psychologue M2), et  Valentin Flaudias.

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