Récit / “Le bonheur inattendu de la sobriété“ de Catherine Gray

Alcool

 

Le récit que nous propose les Editions de l’Opportun est celui d’une journaliste anglaise échappée d’une addiction à l’alcool qui occupa de nombreuses années de sa jeunesse. C’est celui d’une repentie qui, bien entendu, ne fait pas la leçon mais tente au travers de son expérience de nous faire goûter au plaisir de la sobriété, pour ne pas dire l’abstinence, même si ce mot semble réservé aux anciens alcoolo-dépendants tant il est malheureusement connoté.

Même si ce récit commence par un chapitre au titre évocateur, à savoir “L’enfer du monde de la nuit“, Catherine Gray est loin de s’apitoyer sur le sort qui lui était réservé quand elle était encore sous “l’emprise“ de l’alcool. Elle nous raconte, non sans humour, sa relation festive au produit dans un monde qui était loin, à ce moment-là, de ressembler à un enfer tant Catherine y évoluait tel un poisson dans l’eau. L’enfer c’était semble-t-il plutôt les lendemains difficiles et désenchantés avec les regrets d’avoir autant bu. L’alcool était alors vécu comme un outil d’adaptation à un environnement exigeant en terme relationnel, environnement qui lui semblait difficile d’approche la jeune femme étant timide et réservée. Ce premier chapitre n’hésite bien entendu pas à aller faire un tour du côté obscur, à savoir les crises de manque, les compromissions, toutes les difficultés personnelles et professionnelles liées à l’addiction…

Le reste de l’ouvrage se présente comme une proposition que nous fait la narratrice, celle d’une tentative : « Mon but, c’est de vous montrer ce que serait votre vie si vous arrêtiez. De vous dire : pourquoi ne pas tenter le coup ? Pourquoi ne pas tester la sobriété pendant quelques temps ? (Sachant que je recommande un minimum de 90 jours.) Ensuite, c’est vous qui voyez. Mais, personnellement, je suis convaincue que l’abstinence totale est la bonne méthode. Pourquoi s’encombrer d’une drogue quand on peut se sentir, paraître et être bien mieux sans elle ? »

L’abstinence n’est pas présentée ici comme un dogme, bien heureusement, tant l’on sait désormais que c’est une des alternatives au sevrage mais que des voies de reprise du contrôle de sa consommation sont envisageables pour certaines personnes chez qui l’abstinence totale ne fonctionne pas vraiment.

La suite du premier chapitre est le récit d’un parcours de sevrage et celui d’une renaissance personnelle. Catherine commence par nous proposer une trentaine de “trucs“ qui accompagneront les trente premiers jours d’abstinence, des “trucs“ très simples et très concrets. Catherine est pragmatique : tout mettre en place pour ne pas reprendre une goutte d’alcool… Catherine nous propose aussi un retour à la nature, celle qui nous environne et celle qui nous constitue. Arrêter de boire c’est retrouver le bon fonctionnement de son cerveau et du reste de son corps, c’est se retrouver telle que l’on est vraiment, sans faux semblant… Catherine nous propose ensuite de redevenir “quelqu’un de bien“, de faire table rase des mauvaises actions du passé alcoolique. Elle nous propose aussi de sortir et voir du monde mais sans toucher à la bouteille, de ne pas hésiter à dévoiler sa dépendance et assumer sa sobriété. Elle nous propose enfin d’encaisser les coups durs sans se remettre à boire, de se déconnecter de la matrice de l’alcool, et de tordre le cou aux mythes qui entourent cette boisson.

Ce qui pourrait ressembler aux douze étapes du parcours d’un “alcoolique anonyme“ n’est en fait qu’un nouveau parcours de vie sans alcool avec une somme d’avantages qui, même s’ils sont parfois enjolivés, permettent au moins de contrebalancer les arguments mis en avant pour la sauvegarde d’un “patrimoine culturel“, en France comme dans d’autres pays, qui consiste à surtout venter les mérites d’une consommation alcoolique… tant qu’elle reste “raisonnable“ bien entendu. Mais où placer le curseur quand on connaît la particularité des psychotropes, à savoir leur ubiquité : plaisirs d’un côté et dangers de l’autre ?

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