Le yoga comme thérapie complémentaire dans la prise en charge de l’anorexie mentale

Autres addictions comportementales

Les conceptualisations modernes (Occidentales) comprennent trois types de yogas différents (Feuerstein ,1998 ; Michelis, 2004) : le yoga asana est basé sur les mouvements physiques, le yoga pranayama repose sur les techniques de respiration et enfin le yoga dhyâna se concentre sur la méditation. Le yoga en tant que tel est devenu un moyen de plus en plus populaire pour promouvoir le bien-être physique et mental et semble maintenant reconnu comme une modalité de médecine complémentaire et intégrative (Fogarty, Smith Hay ,2016).

En effet, la pratique du yoga peut permettre une alternative aux soins classiques pour diminuer l’impact de la dépression et de l’anxiété (troubles comorbides majeurs de l’anorexie mentale) qui entraînent chez les patients une diminution de l’adhésion à la thérapie et un arrêt prématuré des traitements (Harbottle & al, 2008 ; Hay & al, 2012 ; O’Brien & al 2003 ; Swinbourne & al, 2012). Elle peut également intervenir dans la prise en charge des symptômes généraux de l’anorexie mentale (AM) comme : l’insatisfaction corporelle (écart entre l’apparence qu’une personne voudrait avoir et celle qu’elle a réellement), objectivation de soi (avoir un avis non biaisé de soi) et la recherche de minceur (Cook-Cottone, 2005 ; Daubenmier, 2005 ; Douglass, 2011 ; Halliwell & al, 2018 ; Mahlo, 2016 ; McIver & al, 2009 ; Pacanowski & al, 2017 ; Hari, 2004).

Ainsi, pour vérifier l’efficacité d’une alliance thérapeutique avec le yoga ; Carei & al (2010) ont effectué un essai clinique comparatif randomisé afin de voir si le yoga avait un effet sur les symptômes des Troubles du Comportement Alimentaire (TCA). Ils ont montré que le fait d’introduire du yoga en plus des soins permettait de diminuer les symptômes des TCA ainsi que le maintien de l’Indice de masse corporel (IMC). Cependant, la diminution de l’anxiété et de la dépression n’a pas été expliquée par la présence du yoga.

C’est pourquoi, Laura Rizzuto et al (2021) ont proposé une étude visant à synthétiser différentes opinions d’un groupe d’experts quant aux bienfaits du yoga pour traiter l’AM (Jorm, 2015). L’échantillon se compose de 18 cliniciens considérés comme experts dans le traitement des troubles de l’anorexie mentale. Dans un premier temps Laura Rizzuto et al ont posé quatre questions ouvertes. Elles portaient sur ce que les experts entendent par « yoga » et sur leurs opinions quant à l’utilisation du yoga comme thérapie en général et précisément pour l’anorexie mentale. Puis ils ont demandé aux experts de répondre à 85 affirmations (issues de leurs réponses à la série de questions ouvertes) grâce à une échelle de Likert en cinq points allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ».  

Parmi les 85 affirmations 31 ont atteint un consensus. Le consensus est atteint à partir du moment où 85 % des personnes du panel ou plus indiquaient un accord en sélectionnant « tout à fait d’accord » ou « plutôt d’accord ». Les affirmations s’articulaient autour de différents thèmes : (1) définition du yoga, (2) les bénéfices thérapeutiques du yoga en général, (3) l’utilisation générale du yoga comme thérapie complémentaire (4) le yoga comme thérapie complémentaire dans le traitement de l’anorexie mentale.

Premièrement, les experts conviennent que le yoga est un exercice axé sur la force, la souplesse, l’équilibre et qu’il met l’accent sur le contrôle de la respiration. Il relie corps et esprit et conduit l’individu à porter son attention sur l’expérience et les sensations éprouvées par son corps, mais aussi sur ses pensées, ce qui peut permettre d’améliorer son bien-être physique, mental et émotionnel.

Deuxièmement, pour ce qui est des bénéfices thérapeutiques du yoga, tous les panélistes soulignent que la recherche est limitée. Ils évoquent une nécessité de mener des travaux de recherches supplémentaires et d’utiliser des échelles pour mesurer les risques associés à l’utilisation du yoga chez les patients souffrant d’AM. Pour le panel, il faudrait des outils permettant aux cliniciens de mesurer l’augmentation ou non du contrôle corporel chez le patient, quantifier les risques de blessures et la non-perte de poids.

Troisièmement, tous les membres du panel sont d’accord pour dire que le yoga ne peut pas être une thérapie à part entière, mais bien une thérapie complémentaire dans le traitement de différents troubles. De plus, aucun consensus n’a été atteint pour définir si oui ou non le yoga peut porter le nom de « thérapie ». Cela reste donc, pour l’instant, une discipline sportive employée comme thérapie complémentaire.

Quatrièmement, les experts émettent une mise en garde quant à l’utilisation du yoga comme thérapie complémentaire dans l’AM. Selon eux, les personnes atteintes de ces troubles pourraient graviter vers des formes de yoga plus intenses (yoga chaud, power yoga) pour augmenter leur dépense physique ce qui serait préjudiciable.

En effet, l’exercice physique intense pratiqué par les personnes souffrant d’AM pourrait être substitué par le yoga. L’hyperactivité physique étant un obstacle pour la guérison de l’AM (Noetel & al, 2016 ; Cramer & al, 2015)) le traitement de celui-ci et l’abstinence de sport devraient être séparés. Avant d’arriver à ne plus faire de sport, le patient devrait intégrer un niveau d’exercice sain et fonctionnel en participant à des programmes d’exercice structuré qui l’aideraient à atténuer les symptômes, la difficulté et la détresse liée au traitement de l’AM. Le yoga pourrait offrir une réintroduction de l’activité sportive en douceur chez les personnes souffrant d’AM et ainsi être un allié thérapeutique (Hausenblas & al, 2008 ; Meyer & al, 2011 ; Vancampfort & al, 2014).

BIBLIOGRAPHIE

Roux Camille
UCA Master Santé Publique 1ère année

Flaudias Valentin
Université de Nantes